Projet FertiGhy – Production d’engrais azoté dans la Somme (80)

Consultation publique lancée par la CNFDP

Avis de FNE HdF

Le 29 Janvier 2025, à Lille


Objet : Avis France Nature Environnement Hauts-de-France sur le projet FertiGhy


La présentation du projet Fertighy, qui vise à produire des engrais azotés en réduisant les importations de 500 kt d’ici 2030 et en créant 250 emplois, semble apporter une réponse aux enjeux agricoles et écologiques. Toutefois, ce projet soulève de nombreuses interrogations et inquiétudes.
Si l’initiative, soutenue par plusieurs industriels et mobilisant 1,3 milliard d’euros, ambitionne de proposer un projet décarboné, elle ne résout pas la question plus globale de la dépendance aux engrais chimiques de synthèse. En effet, la France est le premier consommateur d’engrais azotés en Europe, avec 2 millions de tonnes par an. Or, ces engrais ont des impacts environnementaux, sanitaires et sociaux considérables.


Consommation d’eau et impact environnemental

Le projet repose sur la production d’hydrogène par électrolyse, nécessitant 11 000 m³ d’eau par jour, soit près de 4 millions de m³ par an. Dans un contexte de tensions hydriques croissantes, il est crucial d’analyser les conséquences de cette consommation sur les ressources locales, d’autant plus que l’Agence de l’Eau Artois-Picardie alerte sur la diminution des nappes phréatiques. L’abandon d’un projet similaire en Espagne, confronté à un stress hydrique aigu, interroge sur la viabilité à long terme de Fertighy.


Risques sanitaires et pollution
Les usines de production d’engrais chimiques ont généré de fortes nuisances pour les riverains, comme en témoignent les cas des sites Yara à Montoir-de-Bretagne, Boréalis à Grandpuits et Roullier à Saint-Malo. Pollution de l’air, contamination de l’eau aux nitrates et risques accrus de certains cancers sont des problématiques majeures. De plus, la production et le stockage de 96 000 tonnes d’engrais azotés de synthèse et de 700 tonnes d’ammoniac posent des questions de sécurité. L’ammoniac est une substance toxique et l’hydrogène, hautement inflammable, présente un risque explosif important.


Impact climatique et biodiversité
En 2018, l’industrie des engrais a émis 2,4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit plus que l’aviation commerciale. Si Fertighy réduit l’empreinte carbone de la production, il ne prend pas en compte les 62,4 % des émissions liées à l’épandage des engrais, notamment le protoxyde d’azote, dont le pouvoir réchauffant est 263 fois supérieur à celui du CO2. Par ailleurs, la pollution aux nitrates et l’eutrophisation des eaux menacent la biodiversité terrestre et aquatique, tandis que la fertilisation chimique dégrade la qualité des sols.


Une alternative durable ?
Alors que la stratégie européenne “Farm to Fork” prévoit une réduction de 30 % de l’usage des engrais chimiques d’ici 2030, aucune action concrète n’a été mise en place en France pour accompagner les agriculteurs dans la transition vers des modèles plus durables. La question fondamentale demeure : avons-nous besoin de produire autant d’engrais azotés ?
Plutôt que de perpétuer un modèle agro-industriel nuisible, l’effort financier et énergétique devrait être dirigé vers le développement d’une agriculture résiliente, capable de produire de manière soutenable sans dépendance aux intrants chimiques. Fertighy ne semble pas s’inscrire dans cette dynamique et pourrait avant tout servir des intérêts industriels plutôt que l’avenir de notre agriculture et de notre environnement.


Thierry Dereux
Président France Nature Environnement Hauts-de-France

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